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FOR IMMEDIATE RELEASE NCHR Reports on the Attack at Guacimal on May 27thIntroduction Le 27 mai 2002, le conflit opposant les membres du Comité Inter Syndical 1er Mai/Batay Ouvriye à certains travailleurs de l'entreprise Guacimal S.A. ayant pour chefs de fil les Washmans et les Contrôleurs, a pris une ampleur considérable et est tourné au vinaigre. Ce qui est initialement considéré comme une lutte syndicale pour l'amélioration des conditions de travail, la fin du système de Métayage ou de « de moitié » s'est transformé en un drame sanglant. Il y a eu des morts, des blessés, des personnes maltraitées et arrêtées. Le Gouvernement laisse l'impression de ne pas maîtriser la situation. Le Secrétaire d'état à la Communication, Monsieur Mario Dupuy, informe l'opinion publique que des «terroristes», des «assaillants lourdement armés» ont attaqué la zone de Guacimal (3e Section Communale de Bouyaha, Commune de St-Raphaël). Le Gouvernement, toujours par la voix de son Secrétaire d'état à la Communication, dit disposer de renseignements préliminaires selon lesquels ces incidents peuvent être placés dans le cadre d'actions de certains groupes politiques hostiles à la question des zones franches et que l'objectif de ces groupes est de déstabiliser le pays par la création d'une situation de confusion faisant croire que la propriété privée n'est pas respectée dans le pays en vue de décourager l'investissement étranger en Haïti. Aux grands maux les grands remèdes, dirait-on. Le Gouvernement tout en se félicitant du fait que la population ait maîtrisé les «bandits lourdement armés» décide de frapper fort en mettant en veilleuse, sans le dire, le code d'instruction criminelle, le décret portant organisation du pouvoir judiciaire et la loi portant création, organisation et fonctionnement de la Police Nationale d'Haïti. Un état de siège de fait est donc décrété. Une délégation de la Police arrive sur les lieux du drame en hélicoptère, suspend, sans le déclarer, les droits constitutionnels et légaux garantis aux prévenus, qui sont amenés de force à Port-au-Prince. Les réactions d'indignation fusent de toutes parts : acte de répression politique, actes arbitraires renforçant l'inquiétude et l'indignation, actes scandaleux et outrageants, situation troublante Les épithètes ne manquent pas pour qualifier les agissements du pouvoir dans le cadre de cette affaire. La Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR), devant cet état de fait, a décidé d'entreprendre une enquête pour mieux éclairer l'opinion publique sur les dessous de cette affaire. 1 Personnes Rencontrées Une équipe d'enquêteurs de l'organisation a été dépêchée sur les lieux du 3 au 5 juin 2002. Cette équipe a rencontré :
A l'exception du Directeur Départemental de la Police du Nord, Monsieur Fritz Jean, qui a fait preuve d'une agressivité incompréhensible vis-à-vis des enquêteurs de la NCHR, en général, les personnes rencontrées ont fait preuve de beaucoup de collaboration envers cette équipe et lui ont grandement facilité la tâche. Le présent rapport est donc préparé sur la base des informations recueillies de tous les secteurs impliqués ou non dans cette affaire. 2 Les Faits L'Usine Guacimal S.A. spécialisée dans le traitement d'orange amer et de citron aux fins d'exportation est implantée dans la zone de Guacimal, 3e section communale de Bouyaha Commune de Saint-Raphaël, depuis les années 70. Elle est la propriété de la famille Novella d'origine française. Plus de deux cents (200) carreaux de terre sont plantés en orangers et en citronniers pour les besoins de l'entreprise. Elle embauche plusieurs catégories d'employés. Il faut signaler que L'Usine Guacimal S.A. est fermée depuis les années 77, mais l'exploitation du champ continue et la transformation des produits se font à l'Usine Manuel A Postor au Cap-Haïtien.
De plus un système de métayage, « de moitié », est mis en place par les gardiens et les contrôleurs pour le travail du champ entre les saisons.
Au cours de l'année 2000, à l'initiative de l'organisation syndicale « Batay Ouvriye » le Syndicat des Ouvriers de Guacimal Saint-Raphaël (SOGS) a vu le jour. Des leaders syndicaux du Cap-Haïtien et de Saint-Michel de l'Attalaye participent au su et au vu de tout le monde à l'implantation du mouvement syndical dans la zone, organisent des rencontres publiques et s'activent à l'encadrement du SOGS. Les washmans, les superviseurs et les travailleurs saisonniers ont à l'origine intégré le SOGS. Les revendications du SOGS sont claires et nettes :
Les revendications du syndicat ont conduit à une augmentation de salaire pour les washmans passant de 100 gourdes à 250 gourdes par quinzaine et à un relèvement du prix de la caisse d'orange qui est passé de 4,50gdes à 6gdes pour le travailleur saisonnier. A part cela, les efforts du syndicat pour la satisfaction d'autres revendications n'ont pas été couronnés de succès. C'est là qu'il faut chercher l'origine du conflit. Les protestations des travailleurs saisonniers et autres habitants contre le système de métayage vont par ailleurs provoquer l'éclatement du syndicat. Les métayers soutiennent que, d'une part, les NOVELLA auraient constamment besoin de payer pour débroussailler les champs avant et après les récoltes. Ils se disent en travaillant les champs, ils rendent service à Novella, il n'est donc pas question pour eux de partager leur récolte avec les Washmans et les contrôleurs. D'autre part, la moitié requise ne sert pas les intérêts du patron véritablement, mais des Washmans uniquement. Le système de métayage va aussi à l'encontre de l'accord verbal qui aurait lié le patron aux paysans depuis le démarrage des activités de Guacimal. Selon cet accord, les ouvriers seraient toujours admis à entreprendre leurs cultures vivrières dans l'intersaison. En 2001, des conflits éclatent à l'intérieur du syndicat. Les washmans, les contrôleurs et certains travaillleurs saisonniers vont d'abord se désolidariser d'avec le leader syndical du Nord avant de quitter le mouvement suite à des idées véhiculées au sein du syndicat. Ces idées remettent en question le système de métayage, le rôle et la position des washmans ainsi que des contrôleurs. A partir de ce moment, les dissidents allaient renforcer leurs liens avec le patron au détriment du syndicat. La division s'installe. Le patron qui n'est intéressé qu'aux récoltes en profite et laisse faire les gardiens. Ces derniers agissent désormais comme les véritables propriétaires. Tout ceci a soulevé la jalousie et le mécontentement des ouvriers syndiqués. 3 Faits Antérieurs D'autres événements antérieurs à ceux sanglants du 27 mai 2002 sont susceptibles d'éclairer la lanterne des uns et des autres sur la nature véritable des incidents de Guacimal.
Samedi 25 mai 2002 : à l'initiative du SOGS une réunion s'est tenue à Guacimal - après annonce par mégaphone - avec la participation de syndicalistes venus de Saint-Michel de l'Attalaye, du Cap-Haïtien et de Saint Raphaël. Au cours de cette rencontre, le SOGS a annoncé:
Cette réunion s'est déroulée sans incident.
Lundi 27 mai 2002 : Deux (2) pick-up en provenance du Cap-Haïtien et de Saint-Michel de l'Attalaye de marque Nissan et Toyota immatriculés respectivement aux numéros TQ 9578 et TJ 2440 à bord desquels se trouvaient des ouvriers syndiqués de Saint-Michel de l'Attalaye, du Cap-Haïtien, deux (2) journalistes du Journal Haïti -Progrès et de Radio Atlantique débarquent à Guacimal aux environs de 9 heures A.M. Ils ont trouvé sur les lieux un groupe de paysans ayant à leur tête Anioguel Bel, ancien Président du Syndicat. Ce groupe entendait s'opposer au mouvement. L'un des encadreurs du Cap répondant au nom de Joff Camille demanda à Anioguel de restituer le mégaphone de l'organisation encore en sa possession avant de se dresser contre les activités du syndicat. Ce dernier refusa arguant qu'il avait aussi contribué à l'achat du mégaphone et qu'il ne le livrerait qu'à condition d'être remboursé préalablement et s'est réfugié à l'école de l'église Baptiste Conservatrice de Guacimal dont le directeur est Ananias Jourdain, l'un des CASEC de la zone. La situation a ensuite dégénéré. Les deux (2) groupes se sont livrés bataille. Deux (2) personnes sont tuées à coup de machettes dans le camp des syndicalistes. Il s'agit de Francilien Exilient et Ipharès Guerrier. Six (6) autres personnes, dont deux (2) journalistes, sont maîtrisées, maltraitées, séquestrées dans une maison privée appartenant à Bajon Voyard puis conduites au commissariat par la police. La Police a ensuite arrêté deux (2) autres personnes à Saint-Raphaël ainsi que les deux (2) chauffeurs et le contrôleur de l'un des véhicules, portant le total des arrestations à onze (11). Informée par plusieurs délégations de gens venus de Guacimal sur le climat de tension qui y règne et la nécessité d'une force d'interposition pour éviter la dégradation de la situation, la Police a prétexté ne pas avoir de moyens logistiques pour se rendre sur les lieux. Guacimal est situé à environ 5 Km de Saint-Raphaël, la Police ne pouvait atteindre les lieux que par le biais du transport en commun vu qu'elle ne dispose pas de véhicule. Le choix du transport public pour se rendre sur les lieux était jugé inconcevable en l'absence du commissaire municipal, le Commissaire Jean Moise, grand absentéiste, qui n'était pas en poste ce jour-là. Vers 4 heures30 P.M., le suppléant juge de paix de Saint-Raphaël, Monsieur Jean Claude Petit Frère, a réquisitionné l'un des Pick-up utilisé par les paysans pour faciliter le déplacement de la Police et son transport sur les lieux. Arrivé à Guacimal vers les 5 heures PM environ, le juge de paix a fait le constat des cadavres, les a remis à l'ASEC de la zone qui les a fait enterrer sur le champ sans les formalités d'usage. La police est rentrée à Saint-Raphaël avec les personnes séquestrées, les ont gardées à vue et les ont fait soigner le lendemain au centre de santé de la zone. Le surlendemain, une délégation composée du Commissaire du Gouvernement de Grande-Rivière-du-Nord, Me Smith Bertrand, du Juge d'Instruction, Me Carlo Julmiste et d'un greffier est arrivée à Saint-Raphaël pour interroger les prévenus. C'est à ce moment-là qu'une équipe de policiers héliportés entre en scène. Deux (2) policiers en noir sont venus réclamés du Commissaire du Gouvernement, d'ordre de Port-au-Prince, les prévenus. Le Commissaire répliqua en informant les policiers qu'il est légalement incorrect de transférer les prévenus à Port-au-Prince avant même de monter un dossier. Les policiers sont donc repartis. Le mercredi 29 mai, le Commissaire du Gouvernement est rentré avec les prévenus à Grande-Rivière-du Nord aux fins d'interrogatoire. Avant d'entamer le processus, les policiers sont revenus, cette fois avec un ordre écrit de la Direction Départementale de la Police du Nord (DDN/PNH) intimant l'ordre au Commissaire de Police de Saint-Raphaël, M. Moise Jean de livrer les prévenus pour être escortés à Port-au-Prince. Sur la présentation de cette note, le Commissaire du Gouvernement tenta une nouvelle fois, en vain, de persuader les policiers de la nécessité de monter le dossier des prévenus avant qu'ils soient transférés. Les prévenus sont donc amenés à Port-au-Prince sans instruction préliminaire, sans chef d'accusation et sans ordre d'écrou. Tels sont les faits. 4 Bilan Il est difficile d'établir à dâte un bilan définitif des événements de Guacimal, toutefois, la NCHR est en mesure de confirmer que ces événements ont fait :
4.1 Liste des personnes arrêtées
5 Commentaires L'affaire de Guacimal n'est pas un acte de terrorisme comme le prétend le pouvoir. La rencontre des paysans qui est tournée au drame a été annoncée publiquement (deux jours à l'avance) à l'aide de mégaphone. De plus, ils sont arrivés sur les lieux par la route du commissariat, à bord de véhicules dont les chauffeurs n'ont aucun lien avec l'organisation. Les déclarations recueillies sur place permettent d'affirmer que:
Cependant ces trois (3) individus ne disposaient pas suffisamment de munitions pour influencer le cours des événements. La thèse d'assaillants lourdement armés est donc farfelue. Les paysans du syndicat de Guacimal Saint -Raphaël sont-ils des spoliateurs ? Cette thèse non plus ne résiste pas à une analyse sérieuse. Le délit de spoliation tel que définit par la loi article 1er du décret du 30 novembre 1983 : est "le fait par une personne, par force ou violence, de s'emparer d'un immeuble, maison d'habitation parcelle ou pièce de terre, d'où il a été expulsé en exécution d'un jugement définitif". Or il n'existe aucune action en revendication de propriété contre les novella. Leur droit de propriété n'a jamais été contesté Il n'existe donc aucun jugement ordonnant l'expulsion des ouvriers sur le terrain. Ce que réclame le Syndicat c'est le droit d'utiliser la ferme d'orangers de Novella pour des cultures vivrières pendant l'intersaison comme cela se fait depuis 50 ans, mais sur de nouvelles bases notamment la fin du système des « de moitié » Et c'est là que le bât blesse. On ne peut parler de spoliation dans ce cadre-là. Les ouvriers n'utilisent pas le terrain à titre de maîtres ou de propriétaires. Ils ont même le consentement du propriétaire pour ce faire, seulement ils réclament de meilleures conditions de travail et le respect d'engagements verbaux supposés pris par les Novella depuis le lancement des activités de l'usine à savoir, la zone de Guacimal serait pourvue d'école, de dispensaire, etc. A en croire Nonce Zéphyr, il peut s'agir ici d'un malentendu. Il se souvient qu'au moment de l'inauguration des activités de l'usine, les autorités locales ont été invitées. Le député de la zone en présentant ses remerciements à Jacques Novella s'est exprimé en ses termes: Merci pour l'usine mais quand est-ce que vous allez nous donner la route ? Et Novella présageait déjà qu'il y aurait tôt ou tard un conflit avec la population qui risquerait de le substituer à l'état. Les revendications fondées ou non du syndicat ont donc une source et Zéphir ne le nie pas. La thèse de spoliation est donc incorrecte. Pourquoi toute cette détermination du pouvoir pour résoudre en dehors du Droit le problème de Guacimal? Pourquoi accusés de terroriste de pauvres paysans, pour la plupart incultes, ignorant même leur âge ? Pourquoi cette démonstration de la volonté politique du pouvoir de traquer, de sanctionner sévèrement ceux qu'ils présentent comme étant des spoliateurs de Guacimal, des terroristes ? Les événements de Guacimal ne sont pas isolés. Ils interviennent à un moment où les paysans sans terre dans le Nord multiplient les actes susceptibles d'attirer l'attention du pouvoir sur leur mauvaise condition d'existence. Ils interviennent aussi à un moment où le pouvoir se lance tête baissée dans une campagne pour l'établissement d'une zone franche dans le Nord-Est. Cette initiative entreprise presque dans la clandestinité, sans la moindre explication sur le bien-fondé de l'opération, sans aucune campagne de sensibilisation, se heurte à l'hostilité des groupes populaires. Les agissements du pouvoir dans les événements de Guacimal sont donc une prise de position idéologique. Personne n'ignore l'orientation idéologique de l'intersyndical 1er mai / Batay Ouvrye. Nonce Zéphyr lui-même a déclaré : « En tant qu'européen, je suis favorable au mouvement syndical, mais je m'oppose farouchement à l'inter syndicat 1er mai/Batay Ouvriye, parce que ce syndicat est affilié à une organisation internationale dénommée Union des Travailleurs d'Industrie pour un Monde sans Patron »
Le pouvoir saisit donc l'occasion offerte par les événements de Guacimal pour envoyer un double message :
Les paysans du Syndicat des Ouvriers de Guacimal Saint-Raphaël (SOGS) sont donc persécutés pour leur conviction idéologique et leur opinion politique. Ceci est inacceptable. La Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR) croit que les événements de Guacimal sont le résultat d'une gestion interne conflictuelle du syndicat et d'une irresponsabilité démesurée de l'état. La NCHR s'explique mal qu'un syndicat d'ouvriers - paysans se soit pris dans un melting-pot avec des washmans, des contrôleurs qui sont à l'instar des patrons des opposants directs du syndicat. Les choses se seraient passées peut-être différemment si l'idée de trahison n'a pas été agitée, avec force entre d'anciens partenaires devenant de farouches adversaires. Le Ministère des Affaires Sociales n'a pas joué son rôle d'arbitre dans le cadre de cette affaire qui à l'origine n'était qu'un simple conflit de travail. Les demandes réitérées tant du syndicat que de la direction de l'usine sont restées sans suite. La NCHR rappelle au pouvoir en place qu'il est plus que normal qu'il y ait des conflits au sein d'une société, mais le devoir de l'état est de mettre en place les structures adéquates permettant de résoudre à temps ces conflits pour qu'ils ne dégénèrent pas en drame. La NCHR condamne l'exploitation politique des incidents de Guacimal qui ne sont rien d'autre que la dégradation d'un conflit de travail. Cette exploitation n'a d'autre objectif que celui de mettre le pouvoir dans des conditions idéales pour étouffer les revendications populaires par l'intimidation et la répression. La NCHR se demande pourquoi toutes les personnes arrêtées arbitrairement n'ont pas été libérées en même temps que les deux (2) journalistes? Pourquoi ce traitement discriminatoire ? Pourquoi cette « justice » de deux (2) poids et deux (2) mesures ? La NCHR juge inqualifiable le fait que l'Inspecteur de l'Apena de la Grande-Rivière-du-Nord, Inspecteur Fénol Pierre louis est rentré de Port-au-Prince avec les noms des détenus déjà écroués à Port-au-Prince pour venir déclarer au commissaire du gouvernement, Me. Smith Bertrand au moment où ce dernier recevait nos enquêteurs, ce qui suit : « Komisè men lis non onze moun Saint Raphaël yo ke direktè Penitansye a René Jean Daniel voye ba ou, li mande w, pou w fè kou w konnen pou voye òd dekrou moun yo pou li » 6 Recommandations Dans le but de prévenir une aggravation de la situation dans la zone de Guacimal, la NCHR recommande :
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